Torcello : la plus ancienne île de la lagune

La première attraction que vous rencontrerez lors de votre visite de Torcello est le pont du Diable, facilement reconnaissable car dépourvu de parapets latéraux. Deux légendes se disputent l’origine du nom ; selon certains, le diable, à la suite d’un pari, aurait construit le pont en une seule nuit. L’aube arriva avant que l’œuvre fût achevée, c’est pourquoi les parapets manquent. La deuxième légende raconte que, pendant la domination autrichienne à Venise, une jeune fille tomba amoureuse d’un soldat autrichien. Sa famille, contraire à l’idée, l’a tuée. La jeune fille s’adressa alors à une magicienne qui invoqua le diable et redonna la vie au jeune homme. Les deux amoureux s’enfuirent ensemble, mais le diable demanda à la sorcière de lui offrir en échange des âmes d’enfants. La femme promit alors au diable qu’elle lui donnerait pendant sept ans l’âme d’un enfant qui venait de mourir la nuit de la veille de Noël. Mais la sorcière mourut peu de temps après et ne put tenir sa promesse. C’est pourquoi on dit encore aujourd’hui que le diable se baigne la nuit de Noël sur le pont avec l’apparence d’un chat attendant les âmes des enfants. 

Place Torcello est une place couverte de vert et de gravier qui conserve encore aujourd’hui les traces les plus évidentes de ce qui était autrefois Torcello. On y trouve en effet les principaux monuments de l’île : les musées, autrefois palais gouvernementaux, l’église de Santa Fosca, le baptistère, la cathédrale de Santa Maria Assunta et le campanile. Dans l’espace en face des musées, vous pouvez également admirer des fragments de marbre dispersés résultant de découvertes archéologiques, y compris les restes de colonnes de bâtiments disparus, les armoiries d’anciennes familles et les stèles funéraires. 

Devant le Musée Provincial de Torcello, vous trouverez le Trône d’Attila, un fauteuil en pierre d’Istrie. En réalité, Attila n’a jamais réussi à atteindre l’île de Torcello, on pense donc que le trône appartenait à l’évêque de l’île et qu’il était à l’origine placé à l’intérieur de la cathédrale. 

Le Musée Provincial de Torcello, autrefois appelé Musée de l’Estuaire, conserve plusieurs découvertes archéologiques torcelliennes dans les deux palais « des archives » et « du conseil », autrefois sièges du gouvernement de l’île. La collection se compose d’œuvres, d’objets et d’artefacts qui témoignent de l’histoire de la lagune, organisés en deux noyaux : la collection archéologique et la collection médiévale moderne. À noter notamment dans la collection des pointes de lances, de statuettes égyptiennes, de vases mycéniens, des tableaux religieux et des têtes d’anges en mosaïque de Ravenne. 

L’église de Santa Fosca est un chef-d’œuvre architectural unique au monde. Autrefois l’église était le baptistère de la cathédrale, elle a ensuite été transformée en martyrium (c’est-à-dire en église abritant un martyr) à l’occasion de la découverte des reliques de Santa Fosca et Santa Maura dans un tonneau dans la mer Adriatique vers l’an 1000. Le marchand qui trouva le tonneau apporta la dépouille à Torcello, l’endroit pour lui à l’époque le plus important. L’ancien baptistère a ensuite été immédiatement transformé en une église dédiée à la jeune martyre Santa Fosca, dont le corps a été placé sous l’autel principal avec celui de sa nourrice, Santa Maura. L’église de style byzantin, apparemment simple, consiste en la superposition de formes complexes : un octogone à la base, une croix grecque au centre et un dôme au sommet. 

L’ancienne cathédrale de Torcello, aujourd’hui Basilique de Santa Maria Assunta, est le bâtiment le plus important de l’île. Il fut évêché jusqu’en 1818, année où la figure de l’évêque de Torcello fut annexée à celle du patriarche de Venise. On dit même qu’il fut érigé par les premiers habitants de l’île en 639 après JC. Le bâtiment tel qu’il apparaît aujourd’hui est la reconstruction de 1008. De l’extérieur, la basilique est de style byzantin, entièrement en briques, avec un portique qui servait de marché ou de porche pour les non-baptisés. À côté du portique se trouve l’ancien baptistère datant de l’an 1000, l’année où le baptistère précédent est devenu l’église de Santa Fosca. À l’intérieur, la basilique est divisée en trois nefs, avec un sol en marbre polychrome et un plafond à carène de navire. Cependant, ce sont les mosaïques byzantines datant de l’époque de la splendeur maximale de la lagune vénitienne, à partir de 864 après JC, qui rendent cette église unique au monde. 

Le campanile actuel de Torcello a été construit en 1008. Haut de 55 mètres, il offre une vue à 360° sur la lagune et mérite donc une visite. De plus, c’est le seul des 9 campaniles de Torcello encore en place.

Une ville qui comptait autrefois 25 000 habitants et aujourd’hui seulement 9 ne peut être que le rêve de tous les archéologues ! Sous la place verte derrière l’église et dans chaque place de Torcello se trouvent des trésors enfouis depuis des siècles. Les recherches archéologiques témoignent de liens commerciaux étroits entre Torcello et Altino, d’où les marchandises se dirigeaient vers la Via Annia et la Via Claudia Augusta : depuis ses origines, au cinquième ou septième siècle, l’île fut donc un carrefour important pour le commerce naval, se caractérisant comme un port stratégique. Le sel, les épices, le vin et d’autres produits de qualité passaient tous les jours sur ces rives. Torcello a été abandonnée en 1600 et depuis lors, la nature a recouvert des ateliers et des palais, devenant ainsi la protectrice du trésor de Torcello, encore aujourd’hui l’un des lieux de fouilles les plus intéressants au monde. 

Une auberge à Torcello existait déjà ici depuis 1935 : Giuseppe Cipriani l’a reprise après la guerre, en 1946, fasciné par la paix de l’île. À l’époque, on y arrivait surtout par bateau en ramant et l’auberge offrait nourriture et logement. En 1948, Ernest Hemingway a séjourné à l’auberge Cipriani pendant tout le mois de novembre, alors qu’il achevait la rédaction du roman « Au-delà du fleuve et sous les arbres ».